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Les difficultés d’approvisionnement rencontrées lors de la crise de la Covid-19 ont rappelé l’importance cruciale de la filière logistique pour l’ensemble de l’économie française. La résilience de la Supply Chain a été l’occasion de redorer l’image de métiers en déficit d’attractivité. Elle a aussi permis de souligner la complexité croissante des activités de transports et d’entreposage. Les exigences d’optimisation et d’adaptation permanente aux changements requièrent des compétences de plus en plus poussées sur le plan technique comme sur le plan comportemental.

Quelles sont les principaux enjeux de la Supply Chain pour les Ressources Humaines ?

Au sommaire de notre dossier :

Introduction

La Supply Chain représente actuellement en France pas moins de 2 millions d’emplois, avec sur les prochaines années une perspective d’évolution dynamique pour les métiers de techniciens et de cadres. Un tel volume représente près de 10% des emplois du secteur marchand non agricole – un pourcentage homogène sur l’ensemble du territoire – soit une contribution de 10% au PIB français.

Quelques caractéristiques de l’emploi

L’emploi dans le secteur de la logistique demeure très majoritairement masculin (73% d’hommes), en particulier au sein du sous-secteur des transports terrestres et des transports par conduites (84% d’hommes). Les salariés sont en moyenne âgés de 42,4 ans, contre 40,7 ans pour l’ensemble des salariés en France. D’après les données de Pôle Emploi, près de la moitié des salariés du secteur de la logistique évolue dans des établissements de 10 à 99 salariés, contre seulement 37% tous secteurs confondus. 

Le secteur de la logistique a fréquemment recours à l’intérim (données Prism’Emploi). Le taux de turn-over est particulièrement important pour les ouvriers non qualifiés de la manutention et pour les conducteurs livreurs. Les agents d’exploitation des transports, les techniciens et cadres bénéficient quant à eux d’une ancienneté plus élevée dans l’entreprise, du fait notamment des politiques de promotions internes en vigueur.

Recrutement et marque employeur en logistique

Un risque de pénurie de talents qui vise des métiers au cœur de la filière logistique

Selon le cabinet de recrutement Michael Page, dans le domaine de la logistique, les métiers “historiques” d’exploitation et de distribution sont ceux qui concentrent le plus grand nombre de demandes de la part des employeurs. Les entreprises recherchent ainsi le plus souvent des profils de responsable d’exploitation, de directeur de site logistique, ou encore de responsable du transport ou de l’affrètement.

Plus de la moitié des acteurs de la Supply Chain considère le recrutement comme un enjeu particulièrement important de leur filière.

Le transport et l’entreposage. Chiffres, enjeux et perspectives sur l’emploi et les ressources humaines, Xerfi, 2019

Face à la raréfaction des candidats et à la forte pression concurrentielle, certains métiers apparaissent comme particulièrement en tension, tels que les responsables et déclarants en douane, chefs de projets en bureau d’études, ou encore chauffeurs routier. Certains métiers dont l’apparition plus récente témoigne des nouveaux besoins de la logistique sont également concernés. C’est le cas notamment du métier de chef de projet Supply Chain avec une forte dimension SI, qui requiert la maîtrise du Machine Learning dans une optique d’optimisation des processus logistiques.

Chart by Visualizer

Des métiers en transformation, pénalisés par un déficit d’image auprès des nouvelles générations

Les métiers de la Supply Chain peinent à séduire les jeunes diplômés sur le marché du travail – notamment lorsque les postes sont situés dans des entrepôts. Communément associés à des activités d’exécution et de back office, ces métiers doivent impérativement être revalorisés – y compris d’un point de vue salarial.

2 Supply Chain managers sur 5 estiment ne pas disposer d’outils adéquats pour promouvoir les opportunités professionnelles de leur secteur.

Panorama 2020-2021 Ressources Humaines en Supply Chain, ASLOG

Face au déficit d’attractivité de leur filière, les acteurs de la Supply Chain doivent faire connaître leurs métiers auprès des étudiants, notamment par le biais d’actions de communication au sein des écoles et des universités. La crise actuelle a démontré le rôle primordial joué par la logistique au sein d’un grand nombre d’entreprises : pourquoi ne pas capitaliser sur l’actualité pour mettre en avant des métiers méconnus ?

Le déficit d’image dont souffre le recrutement logistique provient en grande partie de la pénibilité perçue des tâches.

Il est important pour les employeurs de souligner le rôle de plus en plus stratégique de la filière logistique. Grâce aux progrès technologiques, les métiers existants connaissent des évolutions majeures. Les tâches les plus répétitives et physiquement éprouvantes telles que la réception, la dépalettisation, la préparation et le convoyage sont amenées à progressivement disparaître. La mécanisation et la robotisation des activités de manutention donnent naissance à de nouvelles fonctions de techniciens garants de la qualité (maintenance de premier niveau, surveillance et pilotage d’automates) ;  fonctions qui offrent aux opérateurs davantage d’autonomie et de responsabilité.

En parallèle, la fonction de responsable d’exploitation sera moins orientée vers un rôle d’encadrement, et davantage vers celui d’un chef d’orchestre responsable du pilotage et de la coordination des flux physiques, dans un triple objectif de satisfaction client, de respect des délais et de maîtrise des coûts. Cette tendance est rendue visible sur le marché du travail par l’apparition de nouvelles fonctions, telles que pilote de flux logistiques ou coordinateur logistique. 

Enfin, de nouvelles fonctions se développent, liées à la manipulation de mégadonnées et à l’Intelligence Artificielle. La digitalisation actuelle des métiers de la Supply Chain crée une forte demande pour des profils de data analysts, susceptibles d’occuper des fonctions de prévisionnistes des ventes et de business analysts.

Une collaboration à renforcer entre les filières de formation et les entreprises

Les nombreuses transformations actuellement à l’œuvre au sein de la filière logistique requièrent de nouveaux types de profils, capables de maîtriser des enjeux en termes d’exploitation de données, de gestion de l’humain, mais aussi de transformation omnicanale, de production à la demande, ou encore d’orientation client.

70 % des acteurs de la Supply Chain mentionnent le développement de nouvelles compétences comme une priorité face aux nouveaux enjeux de digitalisation et de transition écologique. Pour près de la moitié des répondants, les filières de formation sont un levier important pour l’attraction de jeunes talents.

Panorama 2020-2021 Ressources Humaines en Supply Chain, ASLOG

L’apparition de nouveaux besoins en termes de compétences et d’expertises conduit les entreprises à s’associer aux écoles et universités dans une logique gagnant-gagnant : les écoles s’engagent à adapter leurs programmes aux besoins du métier avec la garantie d’accueil de leurs étudiants en tant que stagiaires ou alternants au sein des entreprises partenaires.
Ces formations spécifiques peuvent également prendre place au sein-même des entreprises, dans le cadre de programmes de développement destinés aux salariés de la filière. Selon l’Association française de Supply Chain Management (Facips), la France compte aujourd’hui presque dix fois moins de certifiés que les Pays-Bas et les pays anglo-saxons… et quarante fois moins que certains pays d’Asie.

Etablir une filière d’excellence pour attirer les meilleurs talents dès leur sortie d’école

Face aux “voies royales” que représentent la finance, le marketing, ou le développement commercial en entreprise, la Supply Chain n’est que rarement la carrière privilégiée par les étudiants issus des meilleures écoles et universités. Pénétrer le monde de la logistique semble restreindre leurs futures opportunités professionnelles – d’où un enjeu fort à la création de fast-tracks “jeunes talents” en entreprise. La fonction de Supply Chain Manager se structure progressivement dans les entreprises, et s’ouvre désormais à de jeunes diplômés de niveau Bac+5 après une première expérience sur l’un des métiers de la filière logistique.

Pour susciter et conserver l’intérêt de jeunes diplômés fortement sollicités par les recruteurs, les entreprises doivent se démarquer en proposant des expériences à forte valeur ajoutée en lien avec les problématiques passionnantes qui façonneront la logistique du monde de demain : le Big Data, l’Intelligence Artificielle, le e-commerce, l’usine 4.0, la responsabilité sociale et environnementale, la traçabilité… La mission des entreprises est de faire savoir aux jeunes talents que ces défis sont au cœur de leur stratégie – sans pour autant communiquer de manière institutionnelle sur ces sujets.

La rareté de ces très bons profils entraîne également une hausse des prétentions salariales à la sortie des écoles. On assiste ainsi à un dumping sur les niveaux des salaires demandés par de tels profils dans la filière logistique.

A suivre : Gestion et développement des talents en entreprise.

Etienne Page

Author Etienne Page

Diplômé de l'Ecole nationale des ponts et chaussées et de l'Université de Cambridge, Etienne est en charge du développement chez SDZ ProcessRéa. Chargé d'enseignement à HEC Paris, ses domaines d'expertise recouvrent la supply chain, le marketing et la stratégie.

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